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COVID 19 et contrat de travail : quelles conséquences ?

Sommaire

L’épidémie de COVID 19 et les mesures prises pour tenter d’en diminuer la progression ont d’importantes conséquences sur le contrat de travail et posent des questions tout à fait inédites du point de vue du droit.

Quelques réponses aux questions les plus fréquemment posées.

 

 

  1. Je bénéficiais des indemnités journalières de la CPAM à raison de la nécessité de garder mon enfant avant que mon entreprise ne décide de recourir au chômage partiel. Quel est mon statut ?

 

 

Le salarié est de fait placé sous le régime du chômage partiel. Du strict point de vue sémantique, il convient de préciser que le code du travail ne parle pas de chômage partiel mais bien d’activité partielle.

L’idée générale est de ne pas prévoir une indemnisation qui serait supérieure à celle que le salarié aurait perçu s’il avait continué à travailler.

 

 

  1. Quel est mon statut si je tombe malade durant la période d’activité partielle ?

 

 

Vous serez placé en arrêt de travail pour cause de maladie. En effet, même si la période d’activité partielle est assimilée à une période de suspension de travail, la logique des texte est de protéger le salarié malade.

Dans ces conditions, le salarié percevra ses indemnités journalières suivant les règles classiques de calcul à la différence près qu’aucun délai de carence ne sera appliqué.

 

 

  1. Mon employeur peut il me faire travailler durant la période d’activité partielle ?

 

 

Non. Le contrat de travail est suspendu.

Si votre employeur entend vous faire travailler, cela reviendrait à faire financer par la collectivité le règlement d’une sorte de salaire déguisé.

L’employeur encourt s’il se livre à ce genre de consignes à des sanctions civiles et pénales relativement lourdes.

 

 

  1. L’employeur peut il me sanctionner alors que je suis sous le régime du télétravail ?

 

 

Oui. Le télétravail est seulement une modalité d’organisation du travail. Il n’est pas une cause de suspension du contrat de travail et le salarié reste tenu aux mêmes obligations que s’il travaillait sur site.

 

 

  1. L’employeur peut il me forcer à télétravailler ?

 

 

Oui, dans le contexte actuel. L’article L.1222-11 du Code du travail a été pour le moins visionnaire puisqu’il prévoit expressément l’hypothèse d’une épidémie.

 

 

  1. Si je me blesse alors que je suis placé sous le régime du télétravail, quel est mon statut ?

 

 

Vous êtes présumé victime d’un accident du travail. L’article L1222-9 du Code du travail le prévoit expressément.

Il instaure une présomption de sorte qu’il incombera à l’organisme de sécurité sociale de démontrer le contraire.

 

 

  1. Mon employeur invoque l’épidémie pour justifier un retard dans le paiement de mon salaire. Est-il en tort ?

 

 

C’est discutable.

Chacun peut cependant convenir que la période actuelle et les différentes démarches administratives imposées aux entreprises et ce peu important leur taille peuvent occasionner des retards de règlement.

Le code du travail n’impose pas de délai à proprement parler pour le règlement du salaire.

Il doit intervenir à échéance et ce même à quelques jours près.

Ce sont les juges éventuellement saisis d’une difficulté qui devront apprécier l’importance et la gravité d’un retard de paiement du salaire.

Compte tenu des circonstances, la question peut se poser de savoir si un employeur peut invoquer la force majeure pour justifier le retard de paiement du salaire.

Pour mémoire, la force majeure est schématiquement un cas prévu par la loi légitimant le non-respect par l’un des cocontractants de ses engagements à raison d’une circonstance imprévisible et irrésistible.

Aucune réponse tranchée ne peut être donnée. Elle sera appréciée à terme par les juges.

De notre point de vue, nous sommes très réservés sur la possibilité d’invoquer ce type de notion juridique pour justifier le retard de paiement ou pire l’absence de paiement.

Si l’épidémie est imprévisible quant à sa durée et son intensité, le principe même de son existence ne l’est évidemment plus du tout…

 

 

  1. Mon employeur m’a dit de ne plus venir travailler mais n’a pas fait les démarches pour bénéficier du régime de l’activité partielle. Que puis-je faire ?

 

 

Le premier devoir d’un employeur au-delà du règlement du salaire est la fourniture d’un travail.

Les seules circonstances dans lesquelles il peut être libéré de cette obligation sont en réalité les causes de suspension du contrat de travail.

Or, si votre employeur ne bénéficie pas du régime de l’activité partielle, alors le contrat de travail n’est pas suspendu et l’employeur manque à son obligation fondamentale.

Il reste donc en principe tenu au paiement du salaire dans la mesure où le salarié se tient à sa disposition et une action peut être engagée à son encontre, le cas échéant par voie de référé.

C’est la théorie.

En pratique, chacun doit savoir que l’institution judiciaire dans son ensemble est également touchée par les mesures sanitaires.

Les juridictions normandes sont totalement à l’arrêt et les audiences de référés ne sont maintenues que si des Conseillers prud’homaux se sont portés volontaire pour les tenir.

A notre connaissance et sauf erreur, aucune audience de référé ne s’est tenue dans la région depuis le confinement…

 

 

  1. Quelles sont les conséquences de l’activité partielle sur le calcul de l’ancienneté ? Sur les primes ? Sur les congés payés ? Mon indemnité de préavis ? Mon indemnité de licenciement ?

 

 

S’agissant de l’ancienneté, la période de suspension du contrat de travail causée par l’activité partielle sera considérée comme du temps de travail effectif pour la détermination de l’ancienneté.

Pour les primes, les indemnités perçues dans le cadre de l’activité partielle sont prises en compte dans le calcul des primes.

Pour les congés payés, ces derniers restent normalement acquis. L’activité partielle n’a aucune conséquence du point de vue des congés payés.

Pour l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis, la période d’activité partielle est prise en compte sur la base du salaire qui aurait dû être versé normalement. Il n’y a donc aucun impact.

 

 

  1. L’employeur peut il m’imposer une prise de congés ?

 

 

Oui compte tenu des circonstances. Quelques conditions cependant :

 

  • Un accord d’entreprise ou de branche doit le permettre
  • Dans la limite de 6 jours
  • Le respect d’un délai d’un jour franc
  • Ils ne peuvent pas être imposés au-delà du 31 décembre 2020

 

 

11. Mon employeur ne me fournit aucun matériel supplémentaire (masques, gel hydroalcoolique…), suis je obligé de venir travailler?

 

 

Ça se discute. C’est en réalité la question du droit de retrait.

Pour mémoire, le droit de retrait est défini comme la possible cessation de la prestation de travail si le salarié a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Le Gouvernement indique sur son site Internet que les conditions du droit de retrait ne seront pas réunies dès lors que l’employeur se conforme à ses recommandations.

Cependant, le gouvernement ne peut pas imposer aux juges qui auront éventuellement à se prononcer sur la question une solution aussi générale et affirmative.

D’une part parce que le pouvoir judiciaire est en principe totalement indépendant du pouvoir exécutif.

D’autre part parce que la consultation des recommandations sur cette question permet de prendre la mesure de leur relative vacuité.

Il est en effet indiqué : “mon employeur est tenu d’adapter mes conditions de travail pour assurer ma sécurité.” (voir ici)

C’est en réalité ni plus ni moins ce qui est d’ores et déjà prévu par le Code du travail depuis des décennies.

La question du droit de retrait se pose pleinement.

Il semble pouvoir être utilement allégué s’agissant des salariés directement et évidemment au contact de potentielles sources de contamination.

L’on peut penser au personnel soignant, aux employés de la distribution, aux livreurs, la liste ne pouvant évidemment être exhaustive.

Cette notion semble cependant devoir être écartée en cas de télétravail.

 

 

12. Mon employeur ne me fournit aucun matériel: est il responsable en cas de contamination ?

 

Oui en principe.

Cependant la question de la responsabilité est en cette matière complexe.

Il y a lieu selon nous de distinguer deux hypothèses suivant qu’existe ou non une prise en charge au titre de la législation professionnelle.

 

Hypothèse 1: la maladie est d’origine professionnelle
Comment?

 

S’agissant de l’origine professionnelle, l’exécutif a annoncé la création d’un tableau relatif au COVID 19 qui permettrait de faire présumer l’origine professionnelle de la contamination par le virus aux salariés exposés.

Rien n’a cependant été dit sur les conditions de ce tableau ni sur un calendrier s’agissant de sa mise en place.

Au jour de la rédaction du présent article, aucune mesure en ce sens n’a été prise.

En l’état du droit, la prise en charge des maladies obéit à un système de tableaux.

Si l’assuré victime remplit les conditions du tableau, son affection est présumée d’origine professionnelle. (voir notre vidéo sur la notion de maladie professionnelle en cliquant ici)

S’il ne les respecte pas ou si la maladie ne fait l’objet d’aucun tableau, ce qui est notre cas, il faut alors un avis favorable d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Dans notre hypothèse, l’assuré victime devra par ailleurs justifier d’un taux d’incapacité prévisible supérieur ou égal à 25%.

Ce comité devra indiquer s’il considère qu’il existe un lien direct et essentiel entre la contamination et l’activité professionnelle.

 

Quels obstacles?

 

La question de bon sens se pose alors immédiatement: comment démontrer qu’une contamination est directement causée par l’activité professionnelle?

C’est évidemment impossible.

Il est donc impératif que le pouvoir réglementaire se saisisse de cette question.

A défaut, faute de quoi il est certain que tous les salariés victimes sur leur lieu de travail d’une contamination ne pourront jamais prétendre à une indemnisation fondée sur le risque professionnel.

Or, il serait absolument scandaleux que la seule indemnisation de ces salariés se limite à des applaudissements à un balcon ou à des sirènes de bateaux…

L’idée est d’autant plus insupportable lorsque l’on commence à prendre la mesure des séquelles définitives que peut occasionner ce virus.

La question est fondamentale puisque seule la prise en charge en tant que maladie permettra de rechercher la responsabilité de l’employeur.

Il s’agira de se placer sur le terrain de la faute inexcusable. (voir notre vidéo sur la notion de faute inexcusable en cliquant ici)

Il faudra alors démontrer que l’employeur avait conscience du risque. Cela paraît absolument incontestable.

Il faudra également démontrer qu’il n’a pris aucune mesure pour préserver la santé et la sécurité de son salarié ce qui paraît tout aussi incontestable.

Il s’agirait donc d’une hypothèse totalement inédite en droit de la sécurité sociale ou la seule prise en charge de la maladie induirait de manière quasiment mécanique la reconnaissance d’une faute inexcusable.

 

Hypothèse 2: la maladie n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance en tant que maladie professionnelle

 

L’indemnisation sera beaucoup plus complexe et aléatoire. Deux pistes selon nous.

Le préjudice d’anxiété d’abord pour tous les salariés exposés mais qui n’ont pas été contaminés ou, l’ayant été, sont demeurés asymptomatiques.

Ces derniers seraient alors placés dans une situation où ils ont vécu dans l’angoisse de la contamination ou d’une dégradation de leur état de santé.

En l’état, le concept n’existe que pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante avec les assouplissements récents qui ont déjà fait l’objet d’un article que vous pouvez consulter ici.

Aucun obstacle théorique ne se dresse donc à l’invocation de ce préjudice dans cette hypothèse. L’indemnisation est cependant relativement insatisfaisante et très aléatoire.

L’autre piste consisterait à arguer d’une violation par l’employeur de son obligation de sécurité. Elle est désormais une obligation de moyen renforcée.

Une difficulté se pose cependant.

Pour obtenir une indemnisation à ce titre, il faut démontrer l’existence d’un préjudice mais surtout que ce préjudice est en lien direct et certain avec la faute de l’employeur.

Or, comment démontrer que la faute de l’employeur est la cause de la contamination si le salarié ne justifie pas d’une reconnaissance en tant que maladie professionnelle?

L’on en revient donc à l’impérieuse nécessité de la création d’un tableau supplémentaire et adapté aux circonstances “quoi qu’il en coûte” disait-il…