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- Date 25 Jan 2017
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Au sujet de cette décision
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 24 JANVIER 2017
DÉCISION DÉFÉRÉE:
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 20 Octobre 2014
APPELANTE:
SAS X PROXIMITE FRANCE venant aux droits de la SAS
X FRANCE
Représentée par Me Stéphane PASQUIER, avocat au barreau de ROUIEN substitué
par Me Blandine QUEVREMONT, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE:
Madame Corinne X
76230 BOIS-GUILLAUME
représentée par Me Nicolas BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR:
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Novembre 2016 sans opposition des parties devant Monsieur DUPRAY, Conseiller, faisant fonction de Président, magistrat chargé d’instruire l’affaire,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de:
Monsieur DUPRAY, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame POITOU, Conseiller
Madame HAUDU]N, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS: Mme SIDIBE-SCHROXER, Greffier:
A l’audience publique du 16 Novembre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2017
ARRET: CONTRADICTOIRE
Prononcé le 24 Janvier 2017, par mise à disposition de l’anêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur DUPRAY, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme SIDIBE-SCHROXER, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée, Madame Corinne X, a été embauchée à compter du 03 janvier 2005 en qualité d’agent chef de magasin, statut agent de maîtrise, niveau 5. Son contrat de travail a été repris par la société X à compter du orr mai 2006 selon les mêmes dispositions moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 1.460€ pause comprises.
Le 31 décembre 2008, Madame Corinne X a été victime d’un accident du travail pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, le 13 janvier 2009. Son état a été consolidé le 30 juin 2011.
Le 27 juin 2011 dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu comme suit: “inapte au poste en l’état, serait apte à un poste sans sollicitation de la main gauche – à revoir dans 15 jours”.
Le 01& août 2011, ce même médecin a maintenu ses conclusions, Madame Corinne X ayant été déclarée “inapte définitif au poste en l’état”.
Par lettre en date du 15 septembre 2011, la. société X X a convoqué Madame Corinne X à un entretien pour le 03 octobre 2011 afin d’envisager les possibilités de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail.
Par lettre en date du 08 décembre 2011, la société X X rappelait à la salariée de lui adresser ses souhaits afin de lui transmettre les fiches détaillées des postes et d’étudier les possibilités de reclassement sur ces derniers en tenant compte des restrictions de la médecine du travail.
Par lettre en date du 23 décembre 2011, Madame Corinne X répondait à son employeur qu’elle n’était pas en mesure de se positionner “sur des offres aussi peu claires et objectivement si peu compatibles avec les restrictions de la médecine du travail”.
Par lettre en date du 27 décembre 2011, la société X X confirmait à la salariée ses recherches en vue d’un éventuel reclassement.
Les délégués du personnel ont été consultés en réunion extraordinaire, le 27 janvier 2012.
Le 15 février 2012, Madame Corinne X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, pour le 27 février 2012.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 06 mars 2012, Madame Corinne X a été licenciée pour inaptitude physique d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement en ces termes:
“Vous avez été convoquée par lettre recommandée à un entretien préalable fixé au 27 février 2012 à 15H00 où vous avez été reçue par moi-même.
Cette lettre vous informait de l’objet de cet entretien et de la faculté dont vous disposiez de vous faire assister par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise. Vous vous ôtes présentée, non assistée à cet entretien.
A l’issue du délai de réflexion légal, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les raisons suivantes : « Impossibilité de reclassement suite à avis d’inaptitude))
L’historique de votre dossier s’établit comme suit:
Suite à deux avis médicaux des 2716 et 1108/ 2011, la médecine du travail a émis l’avis suivant:
« Inapte définitif au poste en l’état Pas de sollicitations de la main gauche »
Nous avons entamé une procédure de reclassement dans l’Entreprise qui s’est matérialisée par un entretien de reclassement (tenu le 3 octobre 2012)
A ce jour, les démarches de reclassement au sein de nos structures régionales « SAS X » (magasins, direction régionale) n’ont pas abouties à un poste compatible avec les préconisations du médecin du travail.
Comme l’exige également le code du travail, dans le cas d’une inaptitude pour cause d’AT, nous avons organisé une réunion extraordinaire des Délégués du Personnel qui s’est tenu le 27 janvier dernier.
Parconséquent, conformément aux dispositions du code du travail, nous vous informons que nous procédons à votre licenciement pour inaptitude professionnelle et prendra effet à la date d’envoi de ce courrier recommandé.
Compte tenu de la nature de votre inaptitude, votre préavis de 2 mois vous sera rétribué à échéance unique.
Vous disposerez, à la date de rupture de votre contrat, d’un crédit del 8H84 de formation au titre du droit individuel à la formation (DIE) correspondants à une allocation de formation d’un montant de 1087.38 euros.
Conformément aux nouvelles dispositions de la loi du 24 novembre 2009, vous avez là possibilité de mobiliser votre solde de droits au titre du DIF à l’issue du préavis et ce, de deux manières:
– auprès de votre nouvel employeur pendant une durée de 2 ans suivant votre embauche, – auprès de Pôle Emploi pendant votre éventuelle période d’indemnisation chômage. Dans ce cas, le financement de votre DIF sera assuré par notre OPCA: FORCO -251 boulevard Pereire -75852 Paris cXex 17.
Nous vous rappelons que, dans l’hypothèse où vous posséderiez des avoirs dans les plans d’épargnes ouverts à votre nom par l’entreprise, ces derniers peuvent être débloqués auprès du teneur de compte; Inter épargne – Service 85 89 – 14029 CAEN cXex.
«En application de l’article 14 de. l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008, vous trouverez ci-joint, une lettre d’information sur la portabilité des droits santé et prévoyance complémentaire ainsi qu’un bulletin de réponse à compléter et à renvoyer au Service Paie National ».
Nous vous ferons parvenir par courrier séparé les sommes et documents vous restant dus.
Contestant son licenciement, Madame Corinne X a saisi, le 04 février 2013, le conseil de prud’hommes de ROUEN qui par jugement en date du 20 octobre 2014, a dit que le licenciement de Madame Corinne X était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société X à lui payer la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 700€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par communication électronique reçue au greffe le 24 novembre 2014, la SAS X a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions écrites déposées au greffe de la cour, le 15 novembre 2016, soutenues oralement à l’audience du 16 novembre 2016 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SAS
X France venant aux droits de la société X France demande à la Cour d’infirmer le jugement et de débouter Madame Corinne X de ses demandes et à titre subsiXire, en l’absence de démonstration d’un préjudice, de réduire l’éventuelle indemnisation de Madame Corinne X à de plus justes proportions.
Par conclusions écrites déposées au greffe de la cour, le 12 octobre 2016, soutenues oralement à l’audience du 16 novembre 2016 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Madame Corinne X demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris sauf à porter à la somme de 51.000 E le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ajoutant de condamner la société X France à lui payer la somme de 2.000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
– sur le licenciement pour inaptitude professionnelle,
La société X France soutient qu’elle a satisfait non seulement à son obligation de reclassement mais également à la consultation des délégués du personnel, qu’elle a pris le temps de rechercher une solution alternative au licenciement qui n’est intervenu que le 06 mars 2012, faute de reclassement possible malgré une recherche exhaustive, que le médecin du travail a réalisé une étude de poste, que la société est composée de cinq régions au sein desquelles l’employeur a recherché le reclassement de Madame Corinne X, que le licenciement de Madame Corinne X repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
Madame Corinne X réplique que si la consultation des délégués du personnel a été réalisée le 27 janvier 2012, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la moindre information préalable ait été adressée à ces derniers, sur le reclassement en interne, rien n’a été véritablement tenté par l’employeur pour assurer le reclassement de sa salariée alors que 49 postes pouvaient être identifiés, sur le reclassement en externe, le groupe X représente plus de 6.000 postes répartis dans sept pays. Il ajoute que dans la mesure où la faute inexcusable a été admise, le licenciement pour inaptitude consécutif à l’accident de travail de Madame Corinne X est nécessairement sans cause.
En application des dispositions de l’article L.1226-10 du code du travail, l’employeur doit recueillir, après le deuxième avis rendu par le médecin du travail et avant l’engagement de la procédure de licenciement, l’avis des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié reconnu inapte et la méconnaissance de cette formalité substantielle rend l’employeur rXevable de l’indemnité prévue par l’article L.1226-15 du code du travail, qui est au moins égale à 12 mois de salaire.
Si aucun formalisme n’est exigé, il appartient à l’employeur d’établir qu’il a satisfait à cette obligation.
En l’espèce, il ne peut être déduit de la seule convocation des délégués du personnel en date du 18 janvier 2012 pour le 27 janvier 2012 avec pour motif: “consultation sur les mesures de reclassement envisagées dans le cadre de l’inaptitude pour accident du travail de Mme Corinne X”, que l’employeur avait fourni aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires relatives à l’état de santé et à la recherche de reclassement de la salariée inapte, à défaut de justifier du moindre élément sur les recherches déjà menées, sur l’existence de postes disponibles au sein de l’entreprise ou du groupe, de possibilités de permutation, de formations ou d’aménagements.
Il s’en déduit que les délégués du personnel n’étaient pas en possession de l’ensemble des éléments suffisants pour émettre un avis éclairé et utile exigé dans les conditions fixées par les dispositions légales précitées.
Au surplus, le licenciement n’est légitime que pour autant que l’employeur aura préalablement satisfait à l’obligation de reclassement mise à sa charge par l’article L.1226-4 du code du travail.
En application des dispositions de l’article L.1226-1O du code du travail si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l’issue des périodes de suspension, l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.
Cette obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l’employeur s’analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s’étend à l’ensemble des sociétés du même secteur d’activité avec lesquelles l’entreprise entretientdes liens ou compose un groupe, dont la localisation et l’organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l’employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu’il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l’une des mesures prévues par la loi s’est avéré impossible, soit en raison du refus d’acceptation par le salarié d’un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l’impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté.
Si l’employeur prétend avoir fait réaliser une étude de poste par le médecin du travail par ailleurs non produite aux débats, force est de constater que celui-ci ne s’explique pas sérieusement sur les observations de la salariée par lettre motivée en date du 23 décembre 2011 qui relevait que les postes proposés ne lui paraissaient pas compatibles avec les préconisations de la médecine du travail.
Il en résulte que la production du registre unique du personnel est totalement insuffisante à établir l’impossibilité de reclassement dès lors que l’employeur ne s’explique pas sérieusement sur les 49 postes identifiés par la salariée susceptibles de permettre un reclassement au sein de l’entreprise.
Il se déduit de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Madame Corinne X était illégitime.
Le salarié illégitimement licencié pour cause d’inaptitude physique d’origine professionnelle a droit en l’absence de réintégration à une indemnité au titre du caractère illégitime.de la rupture dont le montant ne peut être inférieur à douze mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de rémunération.
Il n’est produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation des premiers juges. Le jugement sera ainsi confirmé dans son évaluation des dommages et intérêts devant être alloués à la salariée, en considération notamment de sa rémunération, sa situation particulière et de son ancienneté.
La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à I intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.
L’équité justifie d’allouer à Madame Corinne X, la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, Ajoutant,
Ordonne à la Société X PROXIMITE FRANCE venant aux droits de la SAS X France de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à Madame Corinne X depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,
Condamne la Société X PROXIMITE FRANCE venant aux droits de la SAS X France à payer à Madame Corinne X, la somme de 1.000 E au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS X France aux dépens.