inopposabilité de prise en charge d’AT/MP à l’employeur

Synthèse sur l’inopposabilité de prise en charge d’AT/MP à l’employeur

Intérêt pour les parties des questions d’inopposabilités

EMPLOYEURS

Pour l’employeur compte tenu des nouveaux modes de tarification (2012) :

Un arrêt de 151 jours occasionnant un taux de rente de 40% dans une entreprise de 160 salariés, coûte pareillement qu’un arrêt de 450 jours avec un taux de rente de 99%…

Antérieurement les seuils étaient plus élevés et la tarification était au réel.

Les catégories de coûts moyens pour incapacité temporaire déterminent la valeur du risque liée aux soins et aux indemnités journalières de chaque sinistre reconnu dans votre entreprise. Elles s’expriment en nombre de jours d’arrêt de travail prescrit.

Catégories de coûts moyens pour incapacité temporaire

Catégorie

Nombre de jours d’arrêt

Catégorie 1

0 à 3 jours

Catégorie 2

4 à 15 jours

Catégorie 3

16 à 45 jours

Catégorie 4

46 à 90 jours

Catégorie 5

91 à 150 jours

Catégorie 6

plus de 150 jours

Les catégories de coûts moyens pour incapacité permanente déterminent la valeur du risque liée aux séquelles pour chaque sinistre pour lequel une incapacité permanente a été notifiée ou, le caractère professionnel du décès a été reconnu. Elles s’expriment en fonction du taux d’incapacité

Catégories de coûts moyens pour incapacité permanente

Catégorie

Taux d’incapacité

Catégorie 1

Moins de 10 %

Catégorie 2

10 % à 19 %

Catégorie 3

20 % à 39 %

Catégorie 4

40 % et plus ou décès de la victime

SALARIES

10 Décembre 2014, la Cour d’Appel de NANCY :

Lorsque la décision de rejet est obtenue par la CPAM ensuite du non-respect des règles de procédures qui lui sont imposées (en l’espèce établissement de la fiche de liaison du colloque médico-administratif postérieurement à la clôture de l’instruction) celle-ci est inopposable au salarié, la CPAM ne peut pas s’en prévaloir, de sorte qu’une prise en charge implicite intervient passé le délai de 30 jours pour AT ou 3 mois pour une MP.

I. Sur la compétence d’attribution

L’employeur qui conteste une décision d’une caisse fixant un taux doit saisir les juridictions du contentieux technique ; en revanche, s’il conteste l’opposabilité d’une décision qui attribue une prestation, par exemple une rente, la compétence revient au contentieux général de la sécurité sociale.

Civ. 2ème, 12 mars 2015, Hôpital de Fourvière c/ CPAM du Rhône, n°14-10.728

II. Stade où les moyens doivent être soulevés

Arrêt du 10 Décembre 2014, la Cour d’Appel de NANCY :

On peut soulever devant le TASS pour la première fois un argument non développé devant la commission de recours amiable (CRA). L’argument tend aux mêmes fins que la saisine de la CRA : L’invalidation de la décision entreprise et la prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Cet argument peut même être appliqué entre le premier et le second degré de juridiction, même si devant la CA on ne peut pas développer de nouvelles demandes, car il ne s’agit précisément pas d’une nouvelle demande, mais d’un nouvel argument au soutien de cette dernière.

III. Sur les moyens d’inopposabilité

A/ Sur la question des réserves motivées de l’employeur

La Cour rappelle le principe selon lequel en l’absence de réserves motivées de la part de l’employeur, la caisse n’est pas tenue d’adresser un questionnaire ou de procéder à une enquête.

Les réserves motivées de l’employeur doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

Cour de cassation, Civ.2ème, 22 janvier 2015, n°14-10362

Cour de cassation, Civ.2ème, 18 septembre 2014, n°13-23200

Sur la question du délai concernant les réserves émises par l’employeur :

La réception par la CPAM des réserves formulé par l’employeur le jour même où elle rend sa décision ne constitue pas une violation de l’article R.441-11 du CSS rendant inopposable la prise en charge au titre de la législation professionnelle :

« Les réserves émises par l’employeur avaient été réceptionnées par la caisse le jour même de la décision de prise en charge, ce dont il résultait que l’organisme social n’en avait pas eu connaissance antérieurement, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elles n’étaient pas recevables, de sorte que la prise en charge litigieuse était opposable à l’employeur ».

Cour de cassation, Civ.2ème, 18 septembre 2014, n°13-23205

B/ LES DECISIONS CONSERVATOIRES DE LA CPAM

La  décision de refus même conservatoire est opposable : « Qu’en statuant ainsi, alors que, fût-elle conservatoire, la notification par la caisse, le 18 mai 2010, dans les délais d’instruction, de la décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, privait la victime de la possibilité de se prévaloir d’une décision implicite de reconnaissance, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Cour de Cass 18 septembre 2014, n° 13-22237

  

B/ Sur la décision de prise en charge d’un AT/MP par la CPAM

La Cour considère désormais que le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d’en contester le bien-fondé devant le juge sans conditions de délai et n’a pas pour effet de rendre inopposable la décision à l’employeur.

Cour de cassation, Civ.2ème, 12 mars 2015, n°13-25599

Par ailleurs la Cour rappelle que :

« En l’absence de réserves de l’employeur et de mesure d’instruction, la caisse, qui a possibilité de renoncer à sa contestation initiale du caractère professionnel de l’accident, n’est pas tenue, avant sa décision de prise en charge, de mettre en œuvre les diligences énoncées au texte susvisé (Article R.441-11 du CSS) »

Cour de cassation, Civ.2ème, 13 février 2014, n°13-11390

C/ Sur le défaut de pouvoir d’un agent d’une CPAM (non)

La Cour dans un attendu de principe juge que : « Le défaut de pouvoir d’un agent d’une caisse primaire d’assurance maladie, signataire d’une décision de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie ne rend pas cette décision inopposable à l’employeur, qui conserve la possibilité d’en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en œuvre au regard des obligations incombant à l’organisme social ».

Cour de cassation, Civ.2ème, 2 avril 2015, n°14-12659

Cour de cassation, Civ.2ème, 7 mai 2014, n°13-16551

D/ Sur l’absence d’effet de l’inopposabilité sur les sanctions du fait de la violation de l’obligation de déclaration d’accident du travail par l’employeur

La Cour considère que la déclaration d’inopposabilité à l’employeur d’un accident du travail ayant pour conséquence d’exclure l’application de la législation professionnelle dans les rapports entre la caisse et l’employeur n’exclut pas l’application des sanctions prévues en cas de non-respect des obligations déclaratives de l’employeur en matière d’accident du travail.

Cour de cassation, Civ.2ème, 19 juin 2014, n°13-1804

E/ Sur l’obligation d’information de la CPAM

Lorsque la CPAM adresse un questionnaire à la victime dans le cadre d’une déclaration faite sans réserve par l’employeur. Si l’information visée par le questionnaire ne vise qu’à préciser un détail du certificat médical, la CPAM n’est pas tenu de son obligation d’information édictée par l’article R441-11 du CSS (rédaction antérieur à 2009).

Cour de cassation, 27 novembre 2014, n°13-25780

Dans les cas d’accident mortel, la réalisation de l’enquête légale prévue par l’article L.442-1 du CSS « ne dispense pas la caisse de son obligation d’information de l’employeur » prévue à l’article R.441-11 du même Code.

Cour de cassation, 13 février 2014, n°13-15780

Sur la question des délais utile :

La Cour de cassation valide l’appréciation des juges du fond qui vient réduire la durée du délai utile en excluant le week-end ainsi que la journée de réception de la lettre de la CPAM en raison de l’ignorance de l’heure de délivrance de l’information.

«La cour d’appel a souverainement apprécié le caractère  insuffisant du délai pour garantir le respect du contradictoire, de sorte que la décision de prise en charge devait être déclarée inopposable à l’employeur. »

Cour de cassation, Civ.2ème, jeudi 22 janvier 2015, n°13-28.700

(CA, Toulouse, 28 novembre 2013)

F/ Sur la question des employeurs successif dans le domaine des maladies professionnelles

Selon la Cour, il résulte des articles L.452-1 ; L.452-3 ; R.441-11 (dans sa rédaction antérieur à 2009) du CSS que :

« Le ou les employeurs de la victime d’une affection prise en charge au titre de la législation professionnelle peuvent se prévaloir, aux fins d’inopposabilité à leur égard de la décision de la caisse, des manquements de celle-ci dans l’instruction du dossier à l’égard du dernier employeur de la victime ».

Cour de cassation, Civ.2ème, 10 juillet 2014, n°13-13.739

Cour de cassation, Civ.2ème, 3 avril 2014, n°13-13.887

G/ Sur la question de secret médical

La Cour a eu à se prononcer sur la question du secret médical dans la transmission des pièces médicales.

Le pourvoi soutenait que :

« L’employeur n’a pas accès au dossier de l’assuré et n’est pas placé à égalité vis-à-vis de la caisse dans le débat sur la destruction de la présomption d’imputabilité, alors qu’il soulève des moyens sérieux de contestation en raison de la longueur de l’arrêt de travail ; qu’il résulte des principes sur le droit de toute personne à un procès équitable et au respect de ses biens, principes dégagés par application de l’article 1315 du code civil, des articles 9 et 16 du code de procédure civile, et également de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que l’employeur doit avoir connaissance de l’ensemble des pièces, y compris des pièces médicales que la caisse a eu en sa possession pour prendre les décisions de prise en charge et d’arrêts de travail. »

La cour estime que « la caisse n’était tenue à aucune obligation d’information de l’employeur et n’avait pas à lui communiquer les éléments du dossier couverts par le secret médical »

Cour de cassation, Civ.2ème, 6 novembre 2014, n°13-23432

J/ LES LESIONS PSYCHOLOGIQUES

Sur la matérialité AT lésion psychologique : confirme l’exigence du caractère soudain des faits invoqués (caractère mis à mal par les décisions de 2013-2014), la Cour semble donc revenir sur une exigence du caractère soudain des faits en cas de lésion psychologique :

« Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser la survenance d’un événement soudain aux temps et lieu de travail au sens du texte sus-visé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » ;

Cour de Cassation 18 juin 2015, n° 14-17691

IV. Les effets de l’inopposabilité en cas de reconnaissance de faute inexcusable

A/ L’obligation pour l’employeur de supporter les conséquences financières de sa faute inexcusable

Jusqu’à présent, en cas d’inopposabilité liée au non-respect du principe du contradictoire de la décision prise par la caisse de reconnaitre le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie, celle-ci était privée de possibilité de récupérer auprès de l’employeur les sommes versées au titre de la faute inexcusable.

L’article L.452-3-1 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi du 7 décembre 2012, prévoit désormais que la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie , obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3.

B/ Le recouvrement de la majoration de la rente ou de l’indemnité en capital par capital

Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l’employeur, le salarié atteint d’une incapacité permanente a droit à une majoration de la rente ou de l’indemnité en capital versée par la caisse.

La caisse récupérait jusqu’à présent ces sommes auprès de l’employeur par le biais d’une cotisation complémentaire sur une période pouvant atteindre 20 ans.

L’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale modifié pat l’article 86 prévoit désormais que la récupération de la majoration de la rente ou de capital avancée par la caisse se fera dans tous les cas sous la forme d’un capital représentatif.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux majorations de rente ou d’indemnité en capital, issues d’accords amiables conclus à compter du 1er avril 2013, ou de décisions juridictionnelles rendues à compter de cette date.

Toutefois, la lettre ministérielle du 21 mai 2014 précise que les caisses devront tenir compte des difficultés financières susceptibles d’être rencontrées par les employeurs pour se libérer de leur dette notamment lorsque ceux-ci ne sont pas assurés pour le risque de faute inexcusable tel que l’autorise l’article L.452-4 du Code de la sécurité sociale.

Dans ces circonstances, les caisses pourront dans un premier temps proposer, si l’employeur le demande, un échelonnement de la dette. Elles auront également la possibilité, en application des dispositions de l’article L.256-4 du Code de la sécurité sociale, de réduire la dette par décision motivée.

Circulaire CNAMTS n°11-2014 du 10 juin 2014