La réforme de l’inaptitude

Le régime de l’inaptitude a été profondément modifié par la loi du 08 août 2016 et ses décrets d’application. La réforme de l’inaptitude est quasiment totale.

Le nouveau régime s’applique à toutes les visites organisées postérieurement au 1er janvier 2017.

Alors qu’antérieurement l’inaptitude ne pouvait en principe être constatée qu’en suite de deux visites de reprises espacées d’au moins deux semaines, la réforme ne prévoit plus, par principe toujours qu’une seule et unique visite de reprise.

Par exception, la médecine du travail peut exiger une seconde visite de reprise si elle estime ne pas disposer de tous les éléments, notamment de la part de l’employeur, pour prendre position.

Désormais, cette seconde visite doit nécessairement intervenir dans un délai qui ne peut excéder 15 jours.

Les obligations pesant sur la médecine du travail sont désormais particulièrement renforcées.

En effet, pour qu’une inaptitude soit effectivement constatée, le médecin du travail doit justifier avoir accompli au moins 4 démarches préalables :

1/ avoir examiné le salarié en se faisant communiquer tous les éléments permettant de prendre position sur les mesures d’aménagement du poste et après avoir échangé avec le salarié sur ce sujet

2/ avoir procédé à une étude du poste du salarié

3/ avoir procédé à une étude des conditions de travail au sein de l’entreprise

4/ avoir échangé sur les éventuelles mesures de reclassement ou d’aménagement du poste avec l’employeur

Ce n’est qu’à l’issue de ces 4 actions que la médecine du travail pourra constater l’inaptitude du salarié.

Le code du travail impose également à la médecine du travail l’établissement d’un avis écrit et détaillé portant notamment sur les indications qui permettraient selon elle le reclassement effectif du salarié.

Cette indication devrait permettre de comparer les préconisations avec les démarches effectivement réalisées par l’employeur.

Il convient par ailleurs de préciser que la loi prévoit désormais deux mentions qui dispensent expressément l’employeur de toute démarche de reclassement :

  • « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »
  • « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise »

Autre innovation du dispositif, le recours à l’encontre de l’avis de la médecine du travail.

Désormais, c’est une nouvelle compétence d’attribution qui est confiée à la section de référé du Conseil de Prud’hommes. Le délai de contestation reste cependant identique.

Le recours consiste en la désignation d’un expert judiciaire qui émettra un avis quant aux considérations d’ores médicales retenues par la médecine du travail et se positionnera in fine sur l’aptitude du salarié.

La réforme de l’inaptitude met également fin à la coexistence de deux régimes juridiques distincts suivant que l’inaptitude était en relation avec un accident du travail ou une maladie professionnelle ou si elle était en lien avec une maladie dite ordinaire.

Désormais, la consultation des délégués du personnel devient obligatoire peu important l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude.

Il était en effet difficilement justifiable que les salariés victimes de maladies ordinaires ne bénéficient pas des mêmes garanties que des salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Cependant, les spécificités existantes en matière de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré inapte pour une origine professionnelle demeurent comme le versement de l’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis, le doublement de l’indemnité légale de licenciement et le minimum indemnitaire de 12 mois de salaire.

Il est clair que cette réforme va faire naître un contentieux majeur s’agissant des avis d’inaptitude et va créer de nouveaux débats du point de vue de la régularité des avis ou même de leur fondement.

La difficulté résidera dans le fait que le Code du travail ne prévoit aucune disposition spécifique s’agissant des modalités de recours à l’encontre de l’ordonnance rendue en suite d’une demande d’expertise ni même ses effets sur la procédure de licenciement éventuellement initiée par le salarié.

Une chose ne devrait donc pas changer, l’abondance de la jurisprudence sur un sujet déjà complexe…