Accident de service et maladies professionnelles : vers un alignement des droits des agents de la fonction publique avec les salariés du privé

La présomption d’imputabilité est souvent un sujet central dans la prise en charge des accidents de service ou des maladies professionnelles.

Les fonctionnaires souffraient d’un lourd handicap dans le processus de prise en charge de leurs accidents de services ou de leurs maladies professionnelles.

La difficulté tenait à la démonstration nécessaire de l’imputabilité au service.

Cette démonstration était dans de nombreux cas très difficile à établir. En effet, comment démontrer que le malaise au temps et au lieu du travail est en réalité imputable au service ?…

Il en allait de même des maladies professionnelles : celles figurant aux tableaux des maladies professionnelles, celles dont les conditions n’étaient pas complètement remplies et celles ne figurant pas aux tableaux.

L’ordonnance 2017-53 du 19 Janvier 2017 tend à réparer cette différence majeure de statuts entre les agents de la fonction publique et les salariés du privé.

Cette ordonnance a créé un nouvel article (21 bis) à insérer dans la loi du 13 Juillet 1983 qui retranscrit, globalement, la présomption d’imputabilité qui peut être posée par les articles L411-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale applicable aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelle dans le secteur privé ou assimilé.

Cet article est ainsi rédigé:

« est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service. 

…est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. »

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est directement causée par l’exercice des fonctions

 …Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. »

 

Si l’on résume les cas possibles :

  • L’accident qui survient au temps et au lieu du travail est présumé imputable au service à condition qu’il ne soit pas détachable du service. Si la condition n’existe pas en droit privé, elle ne devrait cependant pas remettre en cause la mise en place de la présomption d’imputabilité. En effet, la notion d’acte détachable du service bien connue en droit public et est une notion relativement restreinte qui peut d’ailleurs rappeler la possibilité existante en droit de la sécurité sociale pour la Caisse ou l’employeur de démontrer l’origine totalement étrangère de la lésion.
  • Si la maladie figure dans un tableau des maladies professionnelles (vous pouvez consulter ici la liste des tableaux existants) et que les conditions sont réunies, il y aura une présomption d’imputabilité de la maladie. Le tableau le plus connu est le tableau 57 relatif aux TMS. (Pour aller plus loin: sur la prise en charge des maladies professionnelles cliquez ici)
  • S’il s’agit d’une maladie qui figure dans un tableau mais ne répondant pas à l’ensemble des conditions posées par ce dernier, il faudra alors démontrer la réalité d’un lien directe entre la pathologie et le service. Alors la prise en charge de la maladie professionnelle est possible
  • Si enfin la maladie ne figure pas dans un tableau (ex : dépression post traumatique ou ce que l’on appelle faussement le burn out) et que l’agent de la fonction publique justifie d’un taux d’IPP d’au moins 25% il pourra voir reconnaître l’imputabilité si est établi un lien direct et essentiel avec le service.

Cet alignement progressif du droit de la sécurité sociale avec celui des agents de la fonction publique doit être maintenant confirmé par la jurisprudence administrative.

Dès lors que le texte pose clairement les conditions pour bénéficier de la présomption d ‘imputabilité au bénéfice des agents de la fonction publique, il ne devrait pas en principe, exister de difficultés pour pouvoir en bénéficier d’autant plus que le juge judiciaire a déjà posé les jalons du régime de cette présomption.

Reste à voir si le juge administrative s’en inspirera comme il a déjà pu le faire à de nombreuses reprises sur d’autres sujets ou s’il s’en affranchira créant alors un véritable droit de l’imputabilité de la lésion chez les agents de la fonction publique.